Transcription d'un manuscrit de Emma Harvey par sa fille Gertrude Collard Jacques.

Autobiographie; Emma Harvey

Emma Harvey
 


Autobiographie inachevée de ma mère Emma Harvey; elle décédait quelques semaines plus tard.


 
  

J'ai 87 ans, et j'ai maintenant le désir de vous raconter ma vie, non-pas pour me faire plaindre, ni pour me faire louanger, mais seulement pour faire connaître à mes enfants le chemin que j'ai parcouru dans ma vie. Je suis née le 11 avril 1895, de bons parents. Mon père, Trefflé Harvey et ma mère,Marie Boulianne Baptisée le lendemain un Vendredi-Saint. Mon parrain M. Théodule Larouche, un voisin et ami de mes parents, me disait toujours lorsque j'allais le voir au Jour de l'An: "Ma fille tu ne m'as pas coûté cher pour te faire baptiser, c'était un Vendredi-Saint;, et je n'ai pas eu besoin de faire sonner les cloches" Tous les Jours de l'An c'était un devoir d'aller voir son parrain et sa marraine, tante Lydia. Elle me donnait toujours des bonbons et une petite bonne femme fabriquée en gâteau de pain et une galette. J'étais très contente de mes étrennes. Mon père est né à la Malbaie,ma mère à Laterrière. Le hasard a voulu qu'ils se rencontrent et s'aiment et puisse se marier. Mon père 25 ans, ma mère, 20 ans. Ils sont venus s'établir sur une terre de colons au Lac St-Jean, dans le Rang 9 à Alma. Des bons parents, très pieux et bien courageux et dévoués. Ils ont défriché cette terre, sans aucun confort, naturellement pas d'électricité, ni d'eau courante, un puits près de la maison. Bien entendu les enfants n'ont pas tardé a venir. Le plus vieux un garçon, Edmond, ensuite trois filles, Laurette, Clara, Emma, donc la quatrième de la famille de 14 enfants. Nous avons commencé très jeune à aider nos parents. J'ai commencé l'école à 7 ans, ma première institutrice, une cousine à moi, Mlle Hilda Bergeron. Je partais le matin avec mes frères plus jeunes sous ma surveillance, et j'apportais la boîte à lunch pour les repas, et nous faisions 2 milles à pied. Je suis allée jusqu'à l'âge de treize ans. Mes deux soeurs plus vieilles aidaient ma mère à la maison. Ensuite c'est pour cela que j'ai eu l'avantage de poursuivre mes études au Couvent Notre-Dame du Bon Conseil pendant trois années. Pour que cela coûte moins cher, j'apportais ma nourriture pour la semaine. La première année, je demeurais chez un frère de mon père, mon oncle Ligori Harvey, au village et ensuite chez M. Emile Tremblay, un ancien voisin déménagé au village. Monsieur Tremblay allait dans les chantiers, et Mme Tremblay suppliait ma mère pour que je reste avec elle, parce qu'elle avait que de jeunes enfants**. Alors je rendais service, elle avait peur de coucher seule. Je faisais souvent le parcours a pieds de chez-moi, deux milles. Maintenant a 16 ans, je commence à enseigner une première année dans le 3ième Rang Des Iles, Alma, ils appelaient cela le rang des manges-lard. Je pensionnais chez un M. Joseph Lessard, voisin de l'école. A 16 ans c'est bien jeune, alors pour impressionner les élèves, pour paraître plus vieille, je m'arrangeais les cheveux en chignon sur le dessus de la tête, et je portais une robe assez longue. Il y avait trois grands garçons chez M. Lessard. Naturellement ils me faisaient la cour, et les garçons du voisinage venaient veiller avec la maîtresse d'école. J'étais obligée de les recevoir. Mon salaire était de $100.00 par an, et je payais $3.00 de pension par mois. J'avais 20 élèves, garçons et filles, L'école commençait à 9.0 hres le matin jusqu'à 4 hres le soir. Il faisait très froid, et le poêle était allumé en arrivant, alors ça prenait du temps pour réchauffer. Les toilettes, c'étaient dehors, ce n'était pas le confort d'aujourd'hui. Mon père avait hâte a la fin du mois pour recevoir ma paye, pour payer les taxes, le terme du moulin à battre le grain pour les animaux. C'est comme cela que j'aidais mes parents. Pendant mes vacances, je travaillais sur la ferme, j'aidais au jardinage, allais aux frambroises, lavais les planchers, traire les vaches, j'étais toujours occupée. L'année suivante, je suis allée faire la classe dans le 7iëme rang, Labarre. On appelait cela la"vache caille". Je pensionnais chez M. Gonzague. Mon salaire était de $125.00 et ma pension de $S.OO par mois. L'année suivante j'enseignais au même endroit, mon salaire augmente à $150.00. L'inspecteur me donnait de bonnes notes, alors les parents voulaient me garder pour une troisième année. Ils étaient prêts a faire les sacrifices de payer ma pension pour l'année. J'avais été demandée pour enseigner dans le rang ou mes parents demeuraient, alors j'ai préféré cet endroit et demeurai avec mes soeurs et frères et ne pas avoir a voyager. Je gagnais $150.00. C'était plus intéressant pour moi. Mais cette année scolaire a été plus difficile pour l'autorité, la plupart des élèves étaient des parents et amis, même des frères et soeurs. J'avais 19 garçons et 15 filles. J'avais l'avantage de gagner ma pension en aidant mes parents pendant les congés. Le soir en arrivant de la classe, j'allais traire les vaches. L'année suivante, je suis allée faire la classe à St-Nazaire pour une cinquième année. Je pensionnais chez M. Napoléon Martel. La mère de Monsieur Martel restait avec eux, elle avait 80 ans. Des gens très. économes. Lorsque j'avais de la visite d'un garçon, il fallait qu'il parte a 9.0 hres, parce qu'il venait éteindre la lampe pour économiser l'huile. On n'entendait pas encore parler d'électricité. J'avais alors 21 ans, cela faisait deux ans que je sortais avec Joseph Gauthier, mon premier mari. Comme les visites étaient seulement le dimanche. Pendant la semaine, j'avais la visite d'autres garçons. Un dimanche, que j'étais libre, j'avais eu la visite de sept copains, ils arrivaient deux par deux, mon ami Joseph Gauthier est venu aussi, alors nous avons joué aux cartes. Le premier a me demander pour l'accompagner fut mon ami naturellement. Nous étions bons perdants, cela nous permettaient d'aller causer en attendant notre tour. La mère de Monsieur Martel était bien découragée. Elle disait : "Faut être pas mal fou pour venir sept garçons pour une seule fille. Pendant l'année j'avais été marraine de ma soeur cadette, Rolande, le 2 novembre, avec un de mes frères, Armand, qui était sorti de chez les Frères Maristes a 17 ans, il était entré à 12 ans. Il n'était pas habitué aux travaux de la ferme, alors il est allé dans les chantiers avec mes frères, qui le trouvaient bien gauche à l'ouvrage. Alors mon père l'a envoyé avoir ses diplômes à l'Ecole Normale de Québec. L'année suivante il enseignait à St-Fulgence. Il s'était fait une amie et parlait même de mariage, mais le sort en a voulu autrement, il est décédé pendant l'annéede la grippe espagnole. Donc je reviens à moi. L'année d'école de St-Nazaire finit au mois de juin. Je me suis mariée dans le mois d'août à 21 ans. Mon mari avait voulu se marier un an avant, comme je n'étais pas majeure, et ma mëre me disait toujours de ne pas se marier trop jeune, j'ai préféré attendre un an. Mais mon mari a pris cela pour un refus. Il me dit c'est une manière polie de me refuser, puisque lui avait 25 ans. Les fréquentations ont arrêté pendant quelques temps, et nous nous sommes rencontres de nouveau, alors je lui ai. dit que je m'ennuyais de ses visites, et il m'a répondu que je l'avais voulu, et que si j'étais sérieuse il était toujours prêt à m'attendre, pourvu qu'il ait le bonheur de m'avoir pour la vie.J'avais trouvé cela bien gentil. Je m'ennuyais beaucoup. Enfin le mariage a eu lieu le 25 août 1921**. J'étais habillée tout en blanc avec un voile sur la tête, puisque j'étais Enfant de Marie. Mon mari portait un pantalon rayé, toxédo, chemise blanche, boucle noire. Nous étions conduit par un beau-frère, Mëdéric, dans un carrosse attelé de beaux gros chevaux noirs. Nous avons fait le tour de la rue suivis des parents. Dîner chez mes beaux-parents et le souper et la veillée chez mes parents avec les invités. Comme il chantait bien. Avant de couper le gâteau de noces, les parents l'on fait chanter, une chanson de circonstance composée par lui, dont voici les paroles: Par un clair matin, D'un rêve incertain, On s'éveille fou d'ardeur. Soudain on donne son coeur Simplement pour l'ivresse d'un inconnu bonheur Puis de vains discours, Dieu des amours, Et la petite flamme s'envole pour toujours, Pendant la soirée les invités se sont bien amusés, la danse, le chant. Nous sommes restés coucher chez mes parents dans ma chambre. Le premier soir, comme j'étais bien gênée, je me suis cachée dans la garde-robe pour mettre ma robe de nuit. Nous avons fait notre prière tous les deux à genoux près du lit. Mous avons passé une bonne nuit. Le lendemain matin, ils sont venus le chercher vers neuf heures pour qu'il aille ouvrir le coffre-fort du magasin de son père, puisqu'il er la journée avec moi. Le lendemain, nous allions nous installer chez ses parents comme c'était compris et c'était l'habitude dans ce temps là. Mon mari était le plus âgé, et ils avaient d'autres garçons, puisque c'était une famille de 9 garçons. Comme ils n'avaient pas de soeurs, ils étaient tous heureux de voir arriver une autre femme dans la maison. Ils me considéraient comme leur soeur. Ils étaient tous très gentils avec moi. Je travaillais avec ma belle-mêmre comme sa fille. L'année s'est écoulée et la suivante je mettais mon premier bébé au monde, Germaine. C'est son grand-père et sa grand-mère Gauthier qui ont été le parrain et la marraine. Ils étaient très heureux d'eivoir une petite fille dans la famille. Maintenant elle a 16 mois, marche et parle. C'est un plaisir pour son père d'essayer de la faire chanter et jouer du piano. Il me disait souvent, comme nous demeurions près du couvent, seulement le chemin à traverser. Comme cela va être fin de la voir partir a l'école avec son petit sac sur les épaules. Encore là la Providence en a décidé autrement. La grippe espagnole commençait à faire ses ravages. J'étais très malade et ma-petite fille aussi, alors mon mari a passé la nuit à avoir soin de nous, et un jeune frère Marcellin, 10 ans, malade aussi. Le grand-père et la grand-mère étaient partis avec les autres garçons chez un de leur fils, qui avait une terre à St-Fëlicien, et ils étaient malade de la grippe aussi.....



** il s'agit plutôt en 1916
Emma Harvey Collard (1982)
Mariée à Joseph Gauthier en 1916
Mariée à Joseph Collard en 1921

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